Processus de paix et Justice transitionnelle

juillet
2018
Du 01/07/2018 09:00 au 08/07/2018 18:00
30

Participants

Université d'été

Plaquette de présentation

Galerie photos

En 2018, l’IFJD a organisé sa cinquième Université d’été consacrée à la Justice transitionnelle. Celle-ci étant destinée à former et sensibiliser les participants à l’ensemble des mécanismes judiciaires et extra-judiciaires permettant de traiter les violations massives et systématiques des droits de l’Homme. L’édition 2018 de l’Université d’été avait pour thème « Processus de paix et Justice transitionnelle ».

Certains mécanismes de Justice transitionnelle peuvent certes être utilisés par les Démocraties consolidées pour juger leur passé, comme ce fut le cas au Canada où la Commission Vérité et Réconciliation devait enquêter sur les violations commises dans les pensionnats autoch-tones. Ils sont toutefois plus généralement mis en œuvre lors des périodes post-conflit ou post-autoritaire. Cela tient d’abord à l’objet même de la Justice transi-tionnelle, car les violations massives et systématiques des droits de l’Homme sont dans la plupart des cas commises lors de guerres ou de régimes autoritaires ou totalitaires. Les contextes post-conflit ou post-autoritaire se caractérisent ensuite non seulement par un nombre très important de victimes et d’auteurs, mais aussi par l’ancienneté des violations, l’affaiblissement de l’État, la désorganisation des institutions et d’importantes caren-ces des systèmes de sécurité, législatif, judiciaire et pénitentiaire. Or, cet environnement complique, voire empêche, l’exercice classique de la Justice et justifie alors le recours aux instruments spécifiques de la Jus-tice transitionnelle : Justice pénale internationale ou internationalisée, Commissions Vérité et Réconciliation, Justice traditionnelle rénovée, etc. Néanmoins, les pé-riodes post-conflit semblent se différencier des périodes post-autoritaires en suscitant des défis spécifiques pour la Justice transitionnelle. À l’enjeu de la démocratisation et de la mise en place d’un État de droit effectif, elles ajoutent en effet celui de la pacification, qui a des incidences significatives sur l’exercice des droits à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non-répétition, qui en sont les piliers. La construction de la paix affecte en premier lieu la possibilité de juger les auteurs et impose de rechercher des solutions per-mettant de réintégrer les combattants. Elle complexifie en outre la réparation des préjudices subis par les vic-times, ainsi que l’émergence d’une mémoire commune.

juger les auteurs

La construction de la paix affecte la possibilité de juger les auteurs. En effet, non seulement les conflits sont susceptibles de bouleverser plus encore le fonctionne-ment des institutions que les régimes autoritaires, mais leur mode de résolution pèse sur l’exercice du droit à la justice. Les transitions démocratiques peuvent certes se dérouler par des négociations entre les tenants et les opposants de l’ancien régime au cours desquelles les seconds peuvent concéder aux premiers des amnisties, des immunités ou des sanctions amoindries pour obtenir la Démocratie. Toutefois, les négociations de paix entre les belligérants sont bien plus périlleuses à cet égard en raison de la valeur et de la priorité absolue attachées à la paix, d’une part, et du risque que l’ensemble des belligérants soient impliqués dans des violations et s’entendent alors pour empêcher leur jugement, d’autre part. Un conflit remporté par l’une des parties présente par ailleurs ses propres écueils. Si le jugement des perdants apparaît quasi automatique, celui des vainqueurs est souvent compromis par leur pouvoir de décision, leur autorité militaire, ainsi que leur autorité morale acquise grâce à une victoire contre un adversaire honni. Ainsi, y compris dans le contexte post-1990, la lutte contre l’impunité apparaît plus difficile à l’issue d’un conflit. 

réintégrer les combattants

La construction de la paix implique de résoudre le problème spécifique de la réintégration sociale des combat-tants, d’autant plus crucial que le conflit a impliqué des combattants irréguliers. Une pacification positive et durable exige en effet non seule-ment de les démobiliser et de les désarmer pour prévenir de nouvelles violations, mais aussi de leur offrir un avenir par la réinsertion, afin d’éviter la résurgence du conflit. 
Ces politiques sont néanmoins un défi supplémentaire et ardu pour la Justice transitionnelle et ses acteurs : Comment les organiser, les mener et les financer ? Comment les concilier avec les attentes des victimes et leur droit à la Justice ? Est-il réellement possible pour les combattants de reprendre une vie personnelle et professionnelle ordinaire ? Leur présence sera-t-elle acceptée par les diverses communautés ?

Réparer le préjudice
des victimes

La construction de la paix complexifie la réparation des préjudices subis par les victimes. Les conflits sont en effet dévastateurs pour les personnes et les biens, d’autant plus que leurs victimes sont aujourd’hui princi-palement civiles. Ils génèrent ainsi des morts et des disparitions, mais aussi de gigantesques déplacements de population, ayant pour conséquences le dénuement et l’isolement, voire même des épidémies et famines.
À ces dommages s’ajoutent la peur et le traumatisme provoqués par la guerre chez les adultes et, plus encore, parmi les enfants. Les violences sexuelles, qui se multiplient durant les conflits – qu’elles soient ou non utilisées comme armes de guerre –, provoquent enfin leurs propres ravages physiques, psycho-logiques, sociaux et économiques. Comment évaluer ces préjudices à la fois multiples et protéiformes ? Comment les réparer et appor-ter les soins appropriés à chacun ? Comment procéder dans des États fragilisés en l’absence de responsables susceptibles d’en supporter les coûts ?

Reconstruire la mémoire

La construction de la paix impose une vigilance spécifique quant aux garanties de non-répétition. La réconciliation exige notam-ment l’élaboration et l’appropriation d’une mémoire commune. Si les régimes dic-tatoriaux peuvent bien sûr polariser la société et laisser de profondes cicatrices en son sein, les conflits accroissent les tensions et les antagonismes.
L’importance quantitative et qualitative des violences commises exacerbe en effet les rancœurs et la haine entre les parties en présence. Elle génère, y compris parmi la population, une défiance et des valeurs difficiles à résorber. Durant le conflit, chaque camp s’est en outre raconté sa propre histoire, justifiant – de son point de vue – les affrontements, et s’est perçu comme la prin-cipale, voire comme la seule, victime. Com-ment alors renouer le dialogue, entendre la vérité de l’autre, accepter ses souffrances et ses motivations ? Comment, dans un tel contexte, reconstituer une histoire et une mémoire communes indispensables pour coexister et revivre ensemble ?

Au programme de l'Université d'été 2018

Pour permettre à l’ensemble des participants de se familiariser avec la Justice transitionnelle ou d’en approfondir les enjeux, chacune des cinq journées de l’université d’été était découpée en deux temps :

Les participants ont ainsi pu saisir leur sens, leur portée et leurs enjeux.

Pour les nuancer et les approfondir, ont été étudiés les cas de l’ex-Yougoslavie, de la Colombie, du Pays basque, de la République centrafricaine et de l’Israël-Palestine.

Au regard des spécificités de la Justice transitionnelle, les organisateurs avaient choisi d’associer aux universitaires des praticiens (avocat, magistrat et médecin), mais aussi d’entrecroiser les disciplines en mêlant au Droit, la science politique, l’histoire et les questions de psychiatrie et de psychologie. L’objectif de cette démarche étant d’offrir aux étudiants l’opportunité de rencontrer des acteurs à même de leur apporter des regards complémentaires et de partager avec eux des expériences variées.

Les soirées étaient l’occasion de poursuivre ces échanges autour de la projection de films et de documentaires et de débats, à travers le festival du film documentaire et le forum public de Baigorri consacrés aux « Mémoires de guerre ».