POUR UNE COMMISSION VÉRITÉ SUR LES HOMES INDIENS DE GUYANE

Pour une Commission Vérité sur les homes indiens de Guyane

RECOMMANDATIONS

Les résultats de l’enquête préliminaire exposés dans le présent Rapport démontrent la nécessité :

– d’établir une vérité complète et partagée concernant les violences culturelles, physiques et sexuelles commises à l’endroit des pensionnaires au sein des homes indiens ;

– de permettre à celles et ceux qui le souhaitent, dont notamment, mais pas seulement, les anciens pensionnaires, de témoigner sur leur vécu et d’exprimer leurs opinions à l’égard des homes indiens et de leur impact sur leur vie personnelle, familiale et communautaire ;

– de permettre un dialogue intra et intercommunautaire concernant le passé des homes indiens ;

– de proposer des soins et des réparations spécifiquement adaptés aux personnes et aux communautés ayant subi, directement ou indirectement, un préjudice du fait des homes indiens ;

– de rechercher des solutions collectives permettant des conditions de scolarisation décentes et respectueuses des droits des enfants et des familles pour tous les enfants de Guyane, dont notamment les enfants issus des communautés affectées par les homes, afin de refonder les bases d’un vivre-ensemble satisfaisant pour toutes et tous.

Dès lors, l’IFJD recommande la création d’une Commission Vérité, en application des Principes Joinet (droits à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non répétition). Ce mécanisme de Justice transitionnelle, déjà utilisé dans le cadre de démocraties consolidées y compris pour répondre à des violations des droits humains commises contre des peuples autochtones, a en effet démontré son efficacité pour accomplir de telles missions.

Principes fondamentaux

– Mener une enquête impartiale et indépendante

– Garantir une inclusion culturelle et du genre dans la composition et le fonctionnement de la Commission Vérité

– Respecter les cultures, langues et pratiques autochtones et s’efforcer de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

– Garantir la transparence et l’appropriation du processus par les personnes et groupes concernés

– Charger la Commission Vérité de proposer les mesures de réparation et les garanties de non-répétition

Recommandation 1 : Créer une Commission Vérité

À l’Etat : engager un processus de création d’une Commission Vérité, afin d’enquêter sur les conditions de scolarisation et d’hébergement au sein des homes indiens, d’identifier d’éventuelles violences et de proposer des mesures de réparation et de non-répétition.

À l’Etat : engager des consultations populaires, participatives et inclusives, notamment auprès des communautés amérindiennes et bushinengué, afin de déterminer le cadre, le mandat et les compétences précises de la Commission Vérité ;
À l’Etat : sur la base des résultats issus des consultations, rédiger un projet de texte organisant la Commission Vérité, dont les principales orientations devront être partagées et validées dans le cadre d’un atelier incluant la société civile, y compris les communautés amérindiennes et bushinengué et leurs institutions représentatives ;
À l’Etat : mettre en place un comité de pilotage chargé de concevoir et suivre le processus de création de la Commission Vérité. Ce comité de pilotage sera composé d’un consortium d’organisations pluralistes afin de mettre en place une gestion partagée de la Commission Vérité
Aux associations et aux acteurs et actrices de la société civile, y compris les communautés amérindiennes et bushinengué et leurs institutions représentatives : soutenir le plaidoyer en faveur de la création d’une Commission Vérité ;
Aux associations et aux acteurs et actrices de la société civile, y compris les communautés amérindiennes et bushinengué et leurs institutions représentatives : veiller au caractère inclusif et participatif du processus de mise en place de la Commission Vérité ;
Aux associations et aux acteurs et actrices de la société civile, y compris les communautés amérindiennes et bushinengué et leurs institutions représentatives : contribuer à sensibiliser l’ensemble des personnes concernées à la Justice transitionnelle afin que chacune et chacun soit en mesure de participer activement au processus et de faire entendre sa voix.

Les Recommandations ci-dessous sont adressées au Comité de pilotage, chargé de concevoir et suivre le processus de création de la Commission Vérité.

Recommandation 2 : Garantir le caractère inclusif, transparent et indépendant de la Commission Vérité

Composition de la Commission Vérité

– Mettre en place un processus inclusif et transparent de sélection, puis de nomination des commissaires ;

– Garantir une composition inclusive de la Commission Vérité du point de vue culturel et du genre. La Commission inclura notamment des représentants des anciens pensionnaires, des représentants des institutions impliquées dans la création, la gestion, l’encadrement et le financement des homes indiens (préfecture, évêché, rectorat), des instances représentatives des communautés amérindiennes et bushinengué et des représentants de la société civile (associations et ONG, syndicats, partis politiques). La composition de la Commission devra également respecter la parité entre les femmes et les hommes.

Méthodes de travail de la Commission Vérité

– Garantir l’indépendance de la Commission Vérité, qui devra exercer ses missions à l’abri de toute forme de pressions ;

– Garantir le respect et l’inclusion de règles et de procédures autochtones et de la diversité linguistique. Toute personne devra par exemple pouvoir témoigner dans la langue de son choix ;

– Mettre en œuvre tous moyens utiles pour favoriser une participation effective des communautés amérindiennes et bushinengué. Les mesures peuvent par exemple inclure la création d’une unité dédiée, le recrutement d’interprètes, le recrutement et la formation de médiateurs culturels chargés de recevoir les témoignages et de rencontrer les communautés concernées ainsi que la création d’une unité psychologique culturellement appropriée pour les témoins, avant, pendant et après leur témoignage ;

– Mettre en œuvre tous moyens utiles pour favoriser une participation effective des femmes. Les mesures peuvent par exemple inclure la création d’une unité dédiée et le recrutement d’un nombre significatif de femmes pour l’ensemble des postes ouverts par la CVR ;

– Assurer la publicité des travaux et des résultats, sous réserve des demandes de confidentialité émanant des victimes ou témoins. Les médias et la population doivent être informés des travaux de la Commission Vérité et des données sur lesquelles elle fonde ses conclusions.

Fonctionnement de la Commission Vérité

– Garantir les moyens financiers, humains et administratifs nécessaires à un fonctionnement effectif de la commission ;

– Prévoir l’assistance d’un groupe d’experts indépendants chargés d’assister la Commission Vérité.

Recommandation 3 : Garantir l’effectivité des recommandations de la Commission Vérité

– Organiser la communication et la diffusion du Rapport de la Commission, en veillant à promouvoir la diffusion d’une version synthétique, accessible au grand public ;

– Veiller à la restitution des travaux et à la diffusion du Rapport auprès des communautés amérindiennes et bushinengué, y compris dans leur langue et selon des méthodes et des supports de communication culturellement appropriés ;

– Mettre en place un comité de suivi des recommandations de la Commission ;

– Mettre à disposition les moyens financiers, humains et administratifs nécessaires à la mise en œuvre des recommandations de la Commission.

Le Rapport Pour une Commission Vérité sur les homes indiens de Guyane a été présenté le 1er février 2024, à l'Assemblée nationale, à l'invitation de Jean-Victor Castor, député de la Guyane.

Photos réalisées par Margaux Vilain.