Peuples autochtones et Justice transitionnelle

juin
2019
Du 30/06/2019 17:00 au 07/07/2019 20:00

Participants

Université d'été

Plaquette de présentation

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L’année 2019 a été consacrée comme l’année internationale des langues autochtones. Les organisateurs de l’université d’été ont saisi cette opportunité pour consacrer son édition 2019 au thème « Peuples autochtones et Justice transitionnelle ».

Le peuple autochtone est celui « qui est de la terre même », c’est-à-dire le « peuple premier ». L’ONU identifie néanmoins ces peuples par le régime et le traitement auxquels ils sont soumis : « exclus des processus décisionnels, dont nombre d’entre eux ont été marginalisés, exploités, assimilés par la force et soumis à la répression, à la torture et au meurtre lorsqu’ils se sont exprimés ouvertement pour défendre leurs droits ». Cette définition est révélatrice des discriminations et des violences extrêmes subies par les peuples autochtones, d’une part, et de la volonté de domination politique et culturelle qui les génèrent, d’autre part. Dès lors, l’intérêt d’analyser les relations entre peuples autochtones et Justice transitionnelle est double.

Les peuples autochtones ont, en premier lieu, droit, comme tous les individus, victimes de violences, à la vérité, à la justice, aux réparations et aux garanties de non-répétition, qui sont les raisons d’être de la Justice transitionnelle. Le recours à ces mécanismes spécifiques est ensuite consécutif de la nature des violences qu’ils subissent, qui sont tout à la fois graves et systématiques, demeurent généralement impunies et puisent leurs racines dans une histoire longue, complexe et conflictuelle. Ces violences ont donc un caractère indéniablement politique et nécessitent d’être élucidées et déconstruites afin qu’elles soient éradiquées pour l’avenir.

En second lieu, répondre aux violences subies par les peuples autochtones questionne et renouvelle la Justice transitionnelle elle-même. Ils posent en effet la question cruciale de ses destinataires et notamment de ses bénéficiaires les plus vulnérables. Il s’agit en effet de trouver des solutions à même de garantir que des individus marginalisés, voire exclus, du pouvoir politique et souvent économique aient effectivement accès à des mécanismes institutionnels destinés à les protéger. Ces solutions doivent en outre permettre de rendre Justice non seulement à des individus, mais aussi à des groupes, car, si les membres des peuples autochtones peuvent être individuellement considérés comme victimes, leur victimisation est bien consécutive de leur appartenance à un groupe. Occulter cette dimension fondamentale équivaudrait à un nouveau déni de Justice et empêcherait une de prévenir la résurgence des violences. Le troisième défi posé à la Justice transitionnelle est enfin sa capacité à répondre à des violations multiples, car les atteintes portées aux membres des peuples autochtones incluent – outre les violences auxquelles la Justice transitionnelle est classiquement appelée à faire face – des violations graves à leurs droits économiques, sociaux et culturels. Leur rendre Justice implique donc la capacité de reconnaître et traiter l’ensemble de ces violations. Se pose dès lors notamment la question de la caractérisation et du sens du génocide culturel, caractérisé par l’intention de détruire un groupe par l’éradication de son identité, par des politiques conduisant à faire disparaître une langue, un mode de vie, un savoir, des mœurs, un modèle économique, etc. Leur rendre Justice implique donc la capacité de reconnaître et traiter l’ensemble de ces violations. Se pose dès lors notamment la question de la caractérisation et du sens du génocide culturel, caractérisé par l’intention de détruire un groupe par l’éradication de son identité, par des politiques conduisant à faire disparaître une langue, un mode de vie, un savoir, des mœurs, un modèle économique, etc.

Louis Joinet en a largement inspiré les quatre piliers, définis dans son Rapport destiné à lutter contre l’impunité des auteurs des violations des droits de l’Homme (Nations Unies, 1997). Ces quatre piliers sont conçus comme autant de droits des victimes et de la société dans son ensemble et constituent aujourd’hui de véritables standards internationaux. 

Le droit de savoir

Le premier pilier est le droit de savoir, composé du droit inaliénable de chaque peuple ou personne à connaître la vérité sur les événements passés, leurs circonstances et leurs motifs, du devoir de mémoire de chaque peuple face à son histoire, ainsi que d’un droit spécial des victimes directes et indirectes de connaître la vérité quant aux violations subies.
L’élucidation de la vérité est toujours un défi, mais pose des questions spécifiques
pour les peuples autochtones, tant au regard de l’an-cienneté et de la complexité historique des violations commises à leur encontre, que de la domination politique et économique dans la-quelle ils sont placés. Les violations écono-miques, sociales et culturelles suscitent en outre des difficultés spécifiques quant à leur reconnaissance et leur qualification.

Le droit à la Justice

Le deuxième pilier est le droit à la Justice, qui comprend l’obligation de mener des enquêtes judiciaires approfondies, indépendantes et impartiales, ainsi que celle de prendre des mesures adéquates à l’égard des auteurs des violations des droits de l’Homme.
Pour les peuples
autochtones, le droit à la Justice pose de surcroît des difficultés spé-cifiques : Comment obtenir Justice lorsque l’accès aux mécanismes est complexifié par l’éloignement des institutions et de la Justice formelle ? Comment obtenir Justice face à la permanence des politiques étatiques hostiles ? Comment enfin renouer avec les mécanismes de pacification sociale des peuples auto-chtones et leurs conceptions distinctives de la justice afin de reconstruire un ordre juridique souvent invalidé par la violence coloniale ?

Le droit à la réparation

Le troisième pilier est le droit à la réparation du préjudice résultant des violations com-mises. Ce droit est individuel, mais peut également être collectif lorsqu’un groupe a – dans son ensemble – subi des violations, la réparation pouvant être matérielle mais égale-ment symbolique.
La réparation des préjudices subis par les peuples autochtones
présente des défis : Comment prendre en compte leurs dimen-sions tant individuelles, que collectives ? Comment intégrer les peuples autochtones à la prise des décisions relatives aux réparations leur revenant ? Comment réparer les atteintes portées aux droits culturels, économiques et sociaux, telles que la disparition d’un mode de vie ou d’une langue ?

Le droit aux garanties de
non-répétition

Le quatrième pilier est le droit aux garanties de non-répétition des violations graves des droits de l’Homme. Ces garanties sont cons-tituées des réformes institutionnelles et des mesures à même d’assurer le respect des droits et libertés et de l’État de droit.
L’élaboration et la mise en œuvre de garanties de non-répétition des violations
commises contre les peuples autochtones sont tout particulièrement problématiques, tant au regard de la diversité des violations commises, notamment sur le plan culturel, ainsi que de leur domination et des résis-tances politiques et de la nécessité d’apporter une réponse adéquate tant individuellement, que collectivement.

Au programme de l'Université d'été 2019

Ces cours ont permis de mettre en lumière la diversité des problématiques, mais aussi d’entendre acteurs et témoins. Cinq ateliers étaient ainsi organisés autour des Touaregs, des Indiens du Canada, des Herreros-Namas, des Ouïghours et des peuples autochtones de Guyane.

Au regard des spécificités de la Justice transitionnelle, les organisateurs avaient choisi d’associer aux universitaires des praticiens (avocat, magistrat et médecin), mais aussi d’entrecroiser les disciplines en mêlant au Droit, la science politique, l’histoire et les questions de psychiatrie et de psychologie. L’objectif de cette démarche étant d’offrir aux étudiants l’opportunité de rencontrer des acteurs à même de leur apporter des regards complémentaires et de partager avec eux des expériences variées.

Les soirées ont été l’occasion de poursuivre ces échanges autour de la projection de films et de documentaires et de débats, à travers le festival du film documentaire et le forum public de Baigorri consacrés au(x) « Peuple(s) en lutte(s) ».