Le génocide en questions

octobre
2021
Du 19/10/2021 18:00 au 07/04/2022 00:00

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Séance 5

Séance 6

LE GÉNOCIDE EN QUESTIONS

Le 9 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations unies approuvait à l’unanimité la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui définissait le génocide comme une série d’actes « commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Malgré l’existence de cette convention et l’adhésion de nombreux États, la deuxième moitié du XXème siècle a connu de nouveaux génocides. En 1998, le Statut de Rome établissant la Cour pénale internationale a reproduit, dans son article 6, une définition identique du crime. Vu les événements des dernières décennies et les conditions réduisant son champ d’application, le concept de génocide, tel qu’établi par la Convention de 48, soulève aujourd’hui interrogations et critiques.

Analyser et réfléchir sur le concept de génocide

Ce séminaire a pour ambition d’analyser ces questions et de contribuer aux réflexions sur le concept de génocide. Il s’agira d’observer comment ce concept originellement conçu par Raphael Lemkin pour pallier un vide juridique et répondre à une nécessité pressante de l’après-guerre peut aujourd’hui apparaître comme un obstacle, occidentalo-centré et parfois insurmontable, pour la reconnaissance de « nouvelles » formes de génocide. Sera ainsi construite une réflexion critique et transversale, ques-tionnant la pertinence actuelle et l’avenir de la Convention de 48. 

La première séance du Séminaire sera consacrée à la réflexion de Raphael Lemkin et à la rédaction de la Convention de 1948. Juriste juif polonais, Raphael Lemkin a utilisé le terme « génocide » dans son ouvrage Axis Rule in Occupied Europe publié en 1943. Par la construction de ce mot, il entendait désigner « la destruction d’une nation ou d’un groupe ethnique ». Destiné à pallier un vide juridique, laissant des peuples sans protection contre des autorités commettant des violations massives des droits humains visant un grou-pe, l’expression, marginalisée à Nuremberg, fut rapidement reprise par les Nations Unies et est entrée dans le droit positif en 1948. La Convention de 1948 fut déterminante pour la définition du génocide et fit l’objet de négociations, notamment pour définir les types de groupe qui pourraient être concernés. Les groupes de nature politiques furent notamment exclus. Pour mieux comprendre les choix opérés et leurs conséquences actuelles, les travaux préparatoires et des limites du champ de cette convention méritent d’être analysés.

Annette Becker, Professeure émérite en histoire à l’Université Paris Nanterre et membre senior honoraire de l’Institut universitaire de France : Raphael Lemkin : le père du concept de génocide 

Damien Scalia, Professeur de droit à l’Université libre de Bruxelles : La rédaction de la Convention de 1948

Animation par Jean-Pierre Massias, Professeur de droit public à l’UPPA et Président de l’IFJD

Le droit tend aujourd’hui à exercer un monopole sur la qualification de génocide. Ainsi, seuls les juristes, dont au premier chef les magistrats, semblent aujourd’hui autorisés à reconnaître des actes comme constitutifs d’un génocide et à condamner des bourreaux pour crimes de génocide. Pourtant, d’autres champs disciplinaires recourent également à ce concept, parfois en outrepassant les frontières de la Convention de 1948. Si les analyses des historiens, des philosophes ou des politistes par exemple n’emportent naturellement pas les mêmes conséquences que celles des juges, elles apparaissent néanmoins essentielles pour les juristes, notamment pour prendre la mesure des forces et faiblesses de la qualification juridique, qu’elles mettent en lumière. La deuxième séance sera ainsi consacrée aux regards portés par les historiens sur le génocide.

Jacques Sémelin, Directeur de recherche émérite en histoire au CNRS (CERI – Sciences Po) : La définition du génocide vue par les historiens

Laurent Olivier,Historien et conservateur du département d’archéologie celtique et gauloise au musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye : Quelle définition pour le massacre des Indiens à Wounded Knee ? 

Animation par Magalie Besse, Docteure en droit et Directrice de l’IFJD

Conclusion par Jean-Pierre Massias, Professeur de droit public à l’UPPA et Président de l’IFJD

La troisième séance aura pour ambition d’analyser et de discuter des nouvelles formes de génocide qui, souvent, n’entrent pas dans le cadre étroit de la définition établie par la Convention de 1948. C’est le cas, notamment, de l’écocide ou du génocide culturel. En juin 2021, un comité d’experts internationaux mandaté par la Fondation Stop Ecocide a proposé une définition juridique de l’écocide en tant que cinquième crime international. Ce comité propose ainsi que le Statut de Rome soit amendé pour que l’écocide entre dans le droit positif. En parallèle, au Canada, la découverte de nouvelles dépouilles d’enfants autochtones sur le terrain d’anciens pensionnats depuis fin mai 2021 a ravivé le débat autour de la notion de génocide culturel, lequel aurait été commis par l’État canadien. La troisième séance du séminaire analysera ces demandes tendant à moderniser la définition juridique du génocide.

Marine Calmet, Juriste en droit de l’environnement et des peuples autochtones, Présidente de l’association Wild Legal : L’écocide

Irène Bellier, Directrice de recherches au CNRS – IIAC/LAIOS, Vice-présidente du Groupe International de Travail pour les peuples autochtones : Le génocide culturel

Animation par Niki Siampakou, Docteure en droit et chargée de projet – recherche et formation à l’IFJD

Conclusion par Xavier Philippe, Professeur de droit à l’Université Paris I et administrateur de l’IFJD

En 1963, Hannah Arendt, dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem, un nouveau concept philosophique de la « banalité du mal ». Malgré les vives polémiques qu’il a suscitées, ce concept constitue un utile rappel : les génocidaires se construisent comme tels dans une société. Des études philosophiques, psychologiques, sociologiques ainsi qu’historiques ont été publiées sur cette question et des chercheurs travaillent toujours sur cette question paradoxale de la transformation d’individus souvent ordinaires en génocidaires, continuant souvent à vivre une vie ordinaire en parallèle de leurs agissements. Si leurs parcours individuels contribuent à l’expliquer, des facteurs idéologiques et sociaux contribuent à ce phénomène. Il s’agit en effet de construire une culture de haine et de transgression des frontières habituelles du recours à la violence et à la cruauté. La construction des génocidaires sera ainsi au cœur de la quatrième séance du séminaire.

Nicolas Patin, Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Bordeaux Montaigne : Le génocide nazi. Histoire d’une radicalisation collective (1914-1945)

Richard Rechtman, Anthropologue et psychiatre, directeur d’études à l’EHESS : Les génocidaires, des individus ordinaires ?

Animation par Christian Ingrao, Directeur de recherche en histoire au CNRS, EHESS

Conclusion par le Pr. Fabrice Hourquebie, Directeur du CERCCLE

En vertu de la Convention de 1948, la complicité de génocide est également punie. S’ils se fondent sur les principes du droit international selon lesquels la responsabilité étatique pour des faits internationalement illicites devient responsabilité pénale individuelle en matière de crimes internationaux, la Convention de 48 ainsi que le Statut de Rome négligent d’autres complices majeurs. Il s’agit d’abord des entreprises, susceptibles de contribuer au financement des génocides et/ou d’en tirer profit. Au travers d’affaires emblématiques portées par l’association Sherpa, le rôle direct et indirect des acteurs économiques dans les crimes internationaux, ainsi que les obstacles à la levée de l’impunité de ces acteurs et à l’accès à la justice pour les victimes seront abordés. C’est ensuite la question des éventuelles responsabilités de la communauté internationale qui sera abordée. Son apathie et son désintérêt à agir pour stopper un génocide sont ainsi régulièrement dénoncés. La cinquième séance sera donc consacrée aux acteurs, bien que pénalement irresponsables aujourd’hui, peuvent par leurs actions ou leurs omissions, se révéler complices de génocide.

Sandra Szurek, Professeure émérite en droit à l’Université Paris Nanterre : Quelle responsabilité pour la communauté internationale face aux génocides ?

Franceline Lepany, Avocate honoraire et Présidente de l’association Sherpa : Les complices oubliés : la responsabilité des acteurs économiques dans les crimes internationaux

Animation par Xavier Philippe, Professeur de droit  et Administrateur de l’IFJD

Conclusion par Jean-Pierre Massias, Professeur de droit et Président de l’IFJD

Le droit international influence la société de quatre façons différentes ou lors de quatre « moments » différents : par le biais de sa « forme juridique » (sa façon de structurer la société internationale) ; de par ses règles et institutions ; grâce à sa capacité de constituer un langage légitime ; enfin par son pouvoir d’influencer les formations idéologiques des différentes sociétés. Son rapport avec le génocide se joue lors de chacun de ces quatre moments et chacun d’entre eux produit des paradoxes. Ils seront analysés, notamment pour évaluer la capacité ou l’incapacité du droit à réellement saisir les racines profondes (c’est-à-dire contextuelles et historiques) des « génocides », puis à en identifier et responsabiliser les véritables protagonistes historiques. La deuxième intervention posera quant à elle la question de la nécessité de décoloniser le concept de génocide, imposé au monde par les nations colonisatrices de l’époque, alors qu’il ne semble pas adapté en tout lieu et en tout temps.

Rémi Bachand, Professeur de droit à l’UQAM : Subalternité et génocide : Hypothèses et paradoxes

Fréderic Mégret, Professeur de droit à l’Université McGill : Le temps est-il venu pour décoloniser le concept de génocide ?

Animation par Niki Siampakou, Docteure en droit, Chargée de projet Recherche et formation à l’IFJD

Conclusion par avier Philippe, Professeur de droit  et Administrateur de l’IFJD