. Le séminaire 2023-2024 : un nouveau cycle en partenariat avec l'EHESS
En 2020, l’IFJD a institué un séminaire annuel consacré à la Justice transitionnelle. Ce cycle de rencontres est au point de confluence de nos activités académiques et opérationnelles. Il a vocation à nourrir la réflexion autour des questions soulevées par l’actualité dans nos domaines d’action, avec une approche résolument iconoclaste et des intervenants de haut niveau issus de champs disciplinaires et professionnels variés. L’objectif est tout à la fois de mettre ces rencontres à la disposition de tous et d’enrichir nos actions sur le terrain.
Ce séminaire se veut être un espace de partage de connaissances et de réflexions originales. Les points de vue sont volontairement multiples. Regards académiques, expertise professionnelle et expérience militante ou personnelle sont mêlés pour permettre une approche com- plète et sensible des thématiques traitées. Dans la même perspective, les disciplines mobilisées sont diverses et incluent tant le droit, que l’histoire, la sociologie, la psychologie ou bien l’anthropologie.
Qu’est-ce que la guerre ? Comment et quand peut-on estimer son début et sa fin ? Comment mesure-t-on la violence ? Au cours des années, la violence de guerre a subi une véritable mutation. Depuis l’utilisation des gaz toxiques durant la Première Guerre mondiale à l’usage de drones dans les conflits contemporains, les êtres humains n’ont cessé d’inventer de nouveaux moyens et méthodes de guerre offensifs. Par ailleurs, les violences de guerre affectent aujourd’hui encore davantage les populations civiles, que les combattants eux-mêmes : famine, violences sexuelles, tortures… En effet, le droit international humanitaire, la branche du droit international qui détermine les règles à respecter en temps de guerre dont la distinction obligatoire entre les combattants et les civils, est couramment violée.
Parallèlement, l’approche scientifique des conflits a considérablement évolué et ne se concentre aujourd’hui plus essentiellement sur l’histoire militaire et diplomatique. Elle embrasse désormais d’autres champs, ce qui a permis un nouveau regard sur la guerre ainsi que l’émergence de pans entiers de connaissances, y compris concernant les violences de masses.
La première séance était consacrée à cette évolution épistémologique de l’appréhension scientifique des conflits. Une occasion de penser « la violence de guerre » tant comme un objet historique que comme un objet juridique ainsi que de poser les fondements théoriques du séminaire 2022-2023
- Les intervenants
Stéphane Audoin-Rouzeau, Directeur d’études de l’EHESS, Directeur du Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron – CESPRA
Jean-Pierre Massias, Président de l’IFJD, Professeur de droit à l’UPPA
- Animation
Animation par Christian Ingrao, directeur de recherche en histoire au CNRS, EHESS
Une guerre peut-elle être perçue comme juste ? Est-il possible de la justifier à travers les médias ou à travers des résolutions onusiennes ? En effet, l’ONU a, à plusieurs reprises, « justifié » des interventions militaires. En particulier, le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité a autorisé une intervention militaire en Libye « pour protéger les populations et zones civiles menacées d’attaque (…) » lors des violences entre les forces gouvernementales et les opposants. L’intervention militaire de l’OTAN qui en a résulté a duré sept mois avant d’être conclue quelques jours après la mort de Mouammar Kadhafi. Cette intervention aux justifications humanitaires a fait l’objet de diverses critiques. Par ailleurs, la guerre médiatique est depuis longtemps utilisée durant des conflits pour influencer l’opinion publique. Aujourd’hui, les médias sont de plus en plus puissants, surtout lorsqu’ils sont contrôlés par des acteurs politiques. Les réseaux sociaux constituent également un canal d’information difficile à maîtriser et dont la fiabilité des informations est souvent remise en cause. Récemment, la guerre ukrainienne a notamment montré les enjeux des fake news.
La deuxième séance abordera la question des interventions dites humanitaires ainsi que de la place des médias dans l’influence de l’opinion publique.
- Les intervenants
Virginie Collombier, Professeure à l’Université Luiss Guido Carli à Rome
Arnaud Mercier, Professeur en science de l’information et de la communication, Université Paris 2
- Animation et conclusion
Animation par Niki Siampakou, Docteure en droit et Chargée de projet Recherche et formation à l’IFJD
Juger en temps de guerre ou établir des mécanismes d’établissement des faits alors que le conflit est toujours en cours, voire qu’il vient de commencer, implique des défis considérables. La guerre ukrainienne en est un exemple récent. Le 13 mai 2022, seulement 2 mois après le début de la guerre, le tribunal de district de Solomianskyi à Kiev a tenu une audience préliminaire dans le premier procès d’un soldat russe. Dix jours plus tard, Vadim Shishimarin a plaidé coupable du meurtre d’un civil et a été condamné à la prison à vie. Le 31 mai, deux autres militaires russes ont été condamnés à 11 ans et 6 mois de prison par le tribunal de Kotelva. Quel est l’impact de ces condamnations ? Ont-elles un effet préventif dans le cadre du conflit en cours ? Dès 2016, concernant la Syrie, a également été établi le mécanisme international, impartial et indépendant (IIIM) pour faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et aider à en juger les responsables. Quels sont le bilan, les conséquences ou encore les limites de ce mécanisme établi en temps de guerre ?
Cette séance avait pour ambition d’analyser et de discuter la possibilité de rendre justice dès la guerre par son exercice direct ou par un travail préparatoire de documentation.
- Les intervenants
Xavier Philippe, administrateur de l’IFJD, Professeur de droit à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Catherine Marchi-Uhel, Magistrate, Cheffe du Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie
- Animation et conclusion
Animation par Marina Eudes, Maître de conférences en droit à l’Université Paris Nanterre
Les guerres évoluent et engendrent sans cesse de nouveaux défis. Cette séance a pour objectif d’analyser deux d’entre eux : l’augmentation des attaques contre les travailleurs humanitaires et l’utilisation des sociétés militaires privées. Depuis 2017, les attaques contre les travailleurs humanitaires ont nettement augmenté. L’année dernière, 461 travailleurs humanitaires ont été victimes des meurtres, enlèvements et blessures. Ce nombre était encore plus élevé en 2019 (481) et en 2020 (484). Ces incidents se produisent partout dans le monde, avec une plus grande fréquence, en 2021, au Soudan du Sud, en Éthiopie, en République Centrafricaine et en Yémen. Par ailleurs, les principales victimes demeurent très largement le personnel national. L’utilisation des sociétés militaires privées constitue un autre défi propre aux conflits contemporains. Déjà importantes en Irak et dans les pays du Sahel, les sociétés militaires privées sont aujourd’hui des acteurs majeurs de certains conflits. C’est notamment le cas du groupe Wagner, présent en Ukraine, en Syrie, en Libye, en République Centrafricaine, au Soudan et au Mozambique. Les campagnes de recrutement ont d’ailleurs encore augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine.
La quatrième séance portera sur ces deux questions d’actualité dont l’importance croît et qui constituent un défi pour toutes les parties prenantes des conflits.
- Les intervenants
Michaël Neuman, Directeur d’études au Crash, MSF
Thierry Vircoulon, Consultant indépendant, associé au Centre Afrique subsaharienne de l’IFRI
- Animation et conclusion
Animation par Jean-Pierre Massias, Président de l’IFJD, Professeur de droit à l’UPPA
La fin de la guerre est souvent l’occasion pour les victimes de revendiquer la justice et la vérité pour les crimes commis pendant le conflit. Certaines sociétés décident de se confronter au passé à travers l’établissement de commissions vérité et réconciliation, de jugements, des programmes de réparation ou encore de mémoire, tandis que d’autres privilégient l’oubli. Le contexte entourant la fin du conflit et les choix des acteurs jouent un rôle central dans la reconstruction de la société d’après-guerre. Par exemple, l’amnistie, qu’elle résulte d’une loi ou d’un accord de paix, empêche de rendre justice aux victimes, tandis que la recherche de la vérité, notamment par la création d’une commission vérité, peut ouvrir la voie de la réconciliation pour la population. Par ailleurs, l’incapacité ou l’absence de volonté d’une société de traiter des violences graves et massives commises durant le conflit ou de reconnaître et essayer de réparer ce qui s’est passé en temps de crise, peut générer un « préjudice historique » et, par conséquent, une forme de responsabilité juridique spécifique.
La cinquième séance analysera l’incidence de la fin du conflit sur la justice transi- tionnelle ainsi que le préjudice historique qu’un conflit peut engendrer pour la société de demain.
- Les intervenants
Magalie Besse, Docteure en droit, directrice de l’IFJD
Kelly Picard, Maître de conférences en droit à l’Université Jean Monnet Saint-Etienne
- Animation et conclusion
Animation par Fabrice Hourquebie, Professeur de droit à l’Université de Bordeaux