Trois ans après son décès, l’IFJD – Institut Louis Joinet, le Syndicat de la Magistrature et l’association Dónde Están Francia ont rendu hommage à Louis Joinet. Au sein du cadre majestueux qu’est l’Assemblée nationale, nous nous sommes rappelé de nombreux souvenirs. Louis Joinet a œuvré tout au long de sa vie pour la défense des droits humains, mettant au service de ses engagements, ses compétences juridiques exceptionnelles et ses grandes qualités humaines. Cet Hommage a été l’occasion de mettre en valeur toutes les causes qu’il a servies, les missions qu’il a assumées, ainsi que ses différentes passions, dans une ambiance chaleureuse. Le respect, l’admiration et l’affection que Louis Joinet a inspiré à ses collègues et amis, ainsi qu’aux victimes et acteurs qu’il a accompagnés partout dans le monde ont été au cœur de nos échanges.
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Appel à collecte de documents d’archives
Vous souhaitez partager vos documents d’archives liés à Louis Joinet ? Envoyez vos fichiers à Vivien Barro, conservateur aux Archives nationales, en charge de la collecte des archives de Louis Joinet.
Louis Joinet était un magistrat français, à l’origine du renforcement de l’État de droit en France, et particulièrement reconnu pour son travail en matière de développement des normes internationales des droits humains. Éducateur de rue puis major de sa promotion au sein de la future École Nationale de la Magistrature (ENM), il fonde en 1968 le Syndicat de la Magistrature, qui bouleverse la Justice française en libérant la parole des magistrats. En 1978, Louis Joinet participe également à la rédaction de la Loi informatique et libertés, qui donne naissance à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dont il fut le premier directeur. Conseiller à Matignon sous Mitterrand puis conseiller justice à l’Élysée jusqu’en 1995, il lutte notamment contre les détentions arbitraires des jeunes réfugiés terroristes italiens d’extrême gauche, et des dirigeants de l’organisation basque indépen-dantiste ETA. Premier Avocat général à la Cour de cassation dès 1998 et expert indépendant
à l’ONU pendant plus de trente ans, il se mobilise contre les dictatures au Chili, en Honduras, en Uruguay et en Argentine, et œuvre en faveur de la reconstruction de l’État de droit en Haïti. Il lutte également contre l’impunité des criminels de guerre, et est l’artisan de la Convention internationale contre les disparitions forcées de 2006. Son œuvre en la matière est telle qu’il donne son nom aux « principes Joinet », piliers de la Justice transitionnelle et instruments de référence dans les périodes de transitions politiques, de négociations d’accords de paix. Tout en étant un observateur attentif des conditions de détention, il devient ainsi l’un des acteurs majeurs de la lutte contre l’impunité des violences de masse. Juriste innovant, il développe notamment le concept de garanties équivalentes permettant une adaptation aux périodes de crise, tout en préservant au mieux les droits de tous.
Son décès le 22 septembre 2019 est une perte considérable pour tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer et pour l’ensemble des causes pour lesquelles il s’engagea, au plus près de toutes les victimes des conflits et des dictatures.
Éducateur de rue puis magistrat, conseiller ministériel et expert international, Louis Joinet a œuvré tout au long de sa vie pour la défense des droits humains, mettant au service de ses engagements ses compétences juridiques exceptionnelles et ses grandes qualités humaines.
L’IFJD – Institut Louis Joinet, ¿Dónde están? et le Syndicat de la Magistrature ont souhaité que cet événement lui ressemble et mette en valeur toutes les causes qu’il a servies, les missions qu’il a assumées, ainsi que ses différentes passions, dans une ambiance chaleureuse.
Pour ce faire, quatre tables rondes ont été organisée sous la forme d’interviews croisées. Une série de témoignages écrits et vidéos ont également été préparés par les soins des organisateurs.
Les tables rondes :
Allocutions d’ouverture
L’hommage a commencé par la prise de parole des organisateurs ainsi que de la famille de Louis Joinet. L’IFJD – Institut Louis Joinet, le Syndicat de la Magistrature et ¿Dónde están? ont été representé par leur Président et Secrétaire national. Jean-Baptiste Joinet a pris la parole pour cet hommage dédié à son père.
- Jean-Pierre Massias, Président de l’IFJD - Institut Louis Joinet
- Thibaut Spriet, Secrétaire national du Syndicat de la Magistrature
- Elena Salgueiro, Présidente de ¿Dónde están?
- Jean-Baptiste Joinet, Fils de Louis Joinet
Intermède musical – Melani Luraschi (chant) et Omar Espinosa (guitare)
En 1963, Louis Joinet intègre le Centre national d’études judiciaires au sein de la promotion Beaumarchais, et quatre ans plus tard, il crée avec Dominique Charvet, Pierre Lyon-Caen et Claude Parodi, la première organisation syndicale de magistrats en France : le Syndicat de la Magistrature. En 1972, il retourne travailler à la Chancellerie où il se consacre au domaine, alors nouveau, de l’informatique. En effet, il sera le rédacteur de la partie internationale du rapport sur la question « informatique et libertés ». Ce rapport donnera naissance en 1978 à la Loi informatique et libertés, à laquelle Louis Joinet avait travaillé, créant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) afin de réguler les données personnelles. Fin 1980, il est finalement écarté de la Commission. Ce limogeage aux causes troubles fit scandale et des actions se lancèrent, dont notamment une pétition signée par une centaine de magistrats, intellectuels, artistes et informaticiens, de nombreux comités de soutiens se mirent en place. L’affaire dite « Affaire Joinet » atteint son summum lorsque ce dernier est interviewé en ouverture du journal de 20h de TF1. Louis Joinet sera également l’homme derrière « la doctrine Mitterrand » selon laquelle les militants italiens d’extrême gauche ne seront pas extradés. Il s’agit de deux déclarations de l’ancien président de la République datant de 1985 et qui mettent les bases pour la politique française sur le sort des militants de l’extrême gauche italienne.
Animation par Véronique Brocard, Journaliste
- Danièle Lochak, Professeure émérite de droit public à l’Université Paris-Nanterre - Informatique et liberté -
- Irène Terrel, Avocate spécialisée en droit des étrangers - La doctrine Mitterrand -
- Matthieu Bonduelle, Vice-président en charge de l’instruction au Tribunal judiciaire de Paris et ancien Président du Syndicat de la Magistrature - Un magistrat atypique -
Témoignage : Bruno Cotte, Magistrat et Président honoraire de la Chambre criminelle de la Cour de cassation
Intermède musical – Tabaré Leyton (chant) et Javier Díaz (guitare)
Louis Joinet fut investi dans des négociations de paix, notamment concernant la question du Pays basque, du Larzac et de la Nouvelle Calédonie. En avril 1972, il soutient les habitants du Larzac qui refusent la décision officielle de l’extension du camp militaire situé sur leur plateau. L’opération est un succès et en 1981, François Mitterrand, nouvellement élu, renonce à cette extension. Dès 1981, il s’intéresse au conflit au Pays basque à travers la question de l’extradition du militant basque Tomas Linaza. Louis Joinet joue par la suite un rôle de négociateur avec des membres d’ETA recherchés pour des faits de terrorisme afin d’aboutir à une paix durable. Le 8 avril 2017, Louis Joinet est présent lors de la journée de désarmement de l’ETA à Bayonne, qu’il qualifie de « moment historique ». En 1988, après la réélection de François Mitterrand, Louis Joinet intègre de nouveau Matignon en tant que Conseiller technique auprès du nouveau Premier ministre Michel Rocard. Lui est notamment confiée la question des kanaks de la Nouvelle Calédonie. Suite aux massacres d’Ouvéa en 1988, Michel Rocard engage une médiation. Louis Joinet est alors chargé de la coordination des aspects juridiques. Moins de deux mois après les massacres, le 23 juin 1988, sont signés les Accords de Matignon sur la Nouvelle Calédonie entre Jean-Marie Tjibaou pour le FLNKS (indépendantiste), Jacques Lafleur pour le RPCR (anti-indépendantiste) et le Premier ministre socialiste Michel Rocard. Ces accords prévoient des garanties économiques et institutionnelles pour la communauté kanak ainsi qu’un délai de 10 ans pour obtenir un rééquilibrage entre les communautés caldoches et kanak et entre les régions, au bout desquels un référendum d’autodétermination était prévu avec une participation limitée aux personnes installées sur le territoire avant 1988. Ce référendum laissa finalement sa place à un nouvel accord en 1998, l’Accord de Nouméa.
Animation par le Dr Magalie Besse, Directrice de l’IFJD – Institut Louis Joinet
- François Roux, Avocat honoraire - Le Larzac -
- Anaiz Funosas, Présidente de Bake Bidea - Pays basque -
- Jean-François Merle, Conseiller d’État honoraire - Nouvelle Calédonie -
Témoignage : Pablo Vivanco, Ancien réfugié politique basque
Intermède musical – Emilie Gómez (chant) et Javier Díaz (guitare)
À partir des années 1970, Louis Joinet commence à travailler sur l’Amérique latine. En effet, en 1973, il se voit confier, avec Salvatore Senese et Antonio Nino Cassese, la rédaction du règlement de procédure du Tribunal permanent des peuples au Chili. Il s’implique également au sein du Comité de soutien à la lutte révolutionnaire du peuple chilien et hébergera en France, à la demande de Carmen Castillo, les réunions d’une junte, la Junta de Coordinacion Revolucionaria, qui tentait de coordonner les mouvements révolutionnaires du Chili, d’Argentine, d’Uruguay et de Bolivie contre le plan Condor. Pendant les années à venir, il effectuera plusieurs missions avec la FIDH en Uruguay et en Argentine. En 1975, il est approché par le « Tribunal Russell II sur la répression au Brésil et en Amérique latine » pour devenir son rapporteur sur l’Uruguay. En 1978, Louis Joinet intègre à Genève, en tant qu’expert indépendant, la sous-commission de la promotion et la protection des droits de l’homme de l’ONU. C’est le début de ses 36 ans d’investissement au sein de cette organisation. Il sera l’artisan de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Parmi les postes occupés se trouvent : Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire, Adjoint au Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Bosnie Herzégovine, Rapporteur spécial sur l’évolution de la situation des droits de l’homme en Haïti.
Animation par Véronique Brocard, Journaliste
- Dominique Simonnot, Contrôleuse générale des lieux de détention - Lieux de détention -
- Patrick Baudouin, Avocat, Président de la LDH et Président d’honneur de la FIDH - Dictatures et crimes de masse : de l’Amérique latine à Haïti -
- Olivier de Frouville, Professeur de droit à l’Université Paris 2 et membre du Comité sur les disparitions forcées des Nations Unies - L’expert pour les Nations Unies -
- Zelmar Michelini, Membre de ¿Dónde están?, fils de Zelmar Michelini, sénateur uruguayen assassiné en 1976 - Convention disparitions forcées -
Témoignage : Bachir Ben Barka, Président de l’Institut Mehdi Ben Barka
Lecture – Lecture du poème ¿Dónde están? de Louis Joinet
La Justice transitionnelle est définie par l’ONU comme « l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation ». Elle se met en œuvre à travers des mécanismes tant judiciaires que non judiciaires, et des poursuites engagées contre des individus, des indemnisations, des enquêtes visant à établir la vérité, une réforme des institutions, des contrôles et des révocations, ou une combinaison de ces mesures. Louis Joinet est considéré comme le concepteur de quatre piliers de la Justice transitionnelle. En effet, en 1991, la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités demande à Louis Joinet d’entreprendre une étude sur la question de l’impunité des auteurs de violations des droits de l’homme. Le rapport est publié en 1997 et contient les principes contre l’impunité, aussi appelés les « principes Joinet », qui font partie des principes de la Justice transitionnelle. Ces principes sont au nombre de quatre : « a) le droit de savoir de la victime ; b) le droit de la victime à la justice ; c) le droit à réparation de la victime. À ces droits s’ajoutent, à titre préventif, une série de mesures destinées à garantir le non-renouvellement des violations. ».
Animation par le Dr Magalie Besse, Directrice de l’IFJD – Institut Louis Joinet
- Jean-Pierre Massias, Président de l’IFJD - Institut Louis Joinet et professeur de droit public à l’UPPA
- Marina Eudes, Maître de conférences en droit à l’Université Paris Nanterre
- Emmanuel Decaux, Professeur émérite en droit à l’Université Paris 2
Témoignage : Philippe Texier, Magistrat français
Intermède musical – César Stroscio (Bandonéon)
Clôture – Faire vivre le souvenir et les engagements de Louis Joinet
En 2011, le film « Un certain Monsieur Joinet » a été réalisé par Frantz Vaillant. Il raconte sa vie et son engagement continu et persistant pour les droits humains. La conviction de Louis Joinet sur le rôle fondamental des archives dans la lutte contre l’impunité et, par conséquent, le droit de savoir ont également été abordés lors de la clôture de cette journée.
- Frantz Vaillant, Journaliste, biographe et réalisateur - Un certain Monsieur Joinet -
- Perrine Carnavaggio, Conservateur général honoraire du patrimoine - Archives -
- Jean-Pierre Massias, Président de l’IFJD - Institut Louis Joinet et professeur de droit public à l’UPPA
Les témoignages suivants ont été recueillis à l’occasion de la journée d’Hommage à Louis Joinet organisée par l’IFJD – Institut Louis Joinet, ¿Dónde están? et le Syndicat de la Magistrature. Les organisateurs remercie chaleureusement l’ensemble des témoins ayant contribué à cet hommage à leur collègue et ami, Louis Joinet.
Témoignages vidéos
Témoignages écrits
J’ai été émue par cette humanité, cet engagement dans le succès et dans l’erreur, cette honnêteté radicale avec lui-même pour recon-naître sa vulnérabilité, cette sensibilité pour sentir que le destin de tant de gens vous traverse. Que c’est aussi votre destin quand il s’agit d’injustices.
María Mercedes Couchet Scopise
À l’heure des guerres atroces qui se poursuivent aujourd’hui, de la Birmanie à l’Ukraine, du Yémen à l’Éthiopie, de la Palestine à la Syrie, cet appel à l’« inventivité du droit » ne peut qu’interpeller toutes celles et ceux qui se mobilisent pour la solidarité internationale avec les peuples en lutte et les victimes des violations des droits humains. Lisons et relisons Louis Joinet.
François Gèze
Appel à collecte de documents d’archives
Vous souhaitez partager vos documents d’archives liés à Louis Joinet ? Envoyez vos fichiers à Vivien Barro, conservateur aux Archives nationales, en charge de la collecte des archives de Louis Joinet.
© IFJD – Institut Louis Joinet