La question de la « place du juriste face à la norme », sujet d’actualité en droit positif, peut être posée pour l’Europe occidentale du haut Moyen Âge. La Toscane, intégrée politiquement au royaume lombard mais située au carrefour des traditions juridiques d’une péninsule italique fragmentée, constitue un terrain propice à une étude des rapports entre les praticiens du droit et le tissu de normes haut-médiéval. En effet l’Italie, berceau de la romanité et du notariat public moderne, est le creuset d’un droit où cohabitent et s’entremêlent avec vigueur les substrats romains, pseudo-barbares et canoniques.
Dans ce cadre, la Toscane apparaît comme une région périphérique réceptionnant simplement les innovations lombardes, carolingiennes puis romanistes. Mais au-delà du respect de textes législatifs peu à peu figés, les notaires doivent composer avec des modèles formulaires, des pratiques coutumières, des besoins sociaux et des volontés individuelles sans cesse en mouvement. La combinaison de toutes ces règles constitue l’ordre normatif valable au jour de rédaction d’un acte.
Tout au long de ces cinq siècles d’histoire, le notariat doit donc être bien plus souple et inventif que ne le laisse supposer le formalisme a priori rigide des actes haut-médiévaux, et chaque scribe dispose de son propre savoir-faire juridique, graphique et linguistique. Dans l’imposante masse documentaire toscane, on distingue alors des trames formulaires infra-régionales mais aussi de nettes singularités, au niveau local et à l’échelle même de l’individu, révélant une véritable culture en symbiose avec son temps, son espace et les hommes.
<i<>Rémi Oulion , Docteur en Histoire du droit, Maître de conférences à l’Université Paris-Sud, il a enseigné aux Universités d’Auvergne, Panthéon-Assas, Poitiers et Nantes. </i<>