Les entreprises de marché sont les entités qui organisent et exploitent des marchés réglementés d’instruments financiers. Elles usent pour cela de prérogatives leur permettant d’admettre les membres et les instruments sur leur marché, de suspendre les négociations et d’annuler certaines transactions. En assurant au travers de ces prérogatives un fonctionnement régulier des marchés, les entreprises de marché contribuent au développement de l’économie. Leur modèle présente toutefois des limites. Ces entreprises sont avant tout des sociétés commerciales de droit privé, dont l’objectif de réalisation de profits peut entrer en conflit avec leur mission d’assurer le fonctionnement régulier des marchés. En outre, les prérogatives dont elles usent ne peuvent être qualifiées de prérogatives de puissance publique, mais s’imposent malgré tout aux tiers. Le modèle, par son ambiguïté, engendre des incertitudes préjudiciables à la sécurité juridique.
La sortie de l’ambiguïté ne peut se réaliser qu’au travers de la notion d’intérêt du marché. Cet intérêt, de nature collective, structure le modèle légal des entreprises de marché. Il peut être entendu de deux manières distinctes. Il sera intérêt commun à l’entreprise de marché et à ses cocontractants dans un modèle de droit privé. Dans un tel schéma, au travers de l’édiction d’un règlement de droit privé et de décisions unilatérales, opposables à la seule collectivité de leurs cocontractants, les entreprises de marché assurent le fonctionnement d’un système de négociation dédié à l’activité de leurs utilisateurs directs. L’organisation du marché sera alors caractérisée par sa souplesse et son adaptabilité. À l’inverse, reconnaître que l’intérêt du marché est une composante de l’intérêt général permet la construction d’un modèle de droit public. Les prérogatives de puissance publique que les entreprises de marché recevront dans ce modèle pourront être exercées pour édicter des actes réglementaires administratifs. Ces actes seront opposables erga omnes et permettront d’assurer une transparence et une protection accrue des marchés.
Patrick Barban : Maître de conférences à l’Université Paris-Sud (Paris XI)
Prix de l’Université Panthéon-Assas (Paris II)
Premier prix de l’AEDBF-France
Prix Francis Durieux de l’Académie des Sciences morales et politiques
Prix solennel André Isoré de la Chancellerie des Universités de Paris