Les effets des accords de l’OMC dans l’ordre juridique de l’Union ont donné lieu à une jurisprudence abondante et à de nombreux travaux qui soulèvent des questions pratiques et fondamentales. En particulier, les conditions d’invocabilité, qui déterminent la faculté de se prévaloir d’une norme au soutien de ses prétentions, paraissent parfois mouvantes. De plus, les théories de la mondialisation du droit et du pluralisme juridique européen ou mondial proposent une analyse originale de l’influence de l’Union européenne sur l’émergence d’un droit mondial et appellent à un renouvellement de la pratique judiciaire dans ce contexte. La confrontation de ces théories au droit positif par l’étude des effets des accords de l’OMC devant les juges de l’Union et de ses États membres permet d’évaluer ces hypothèses doctrinales.
La fermeture de l’invocabilité de substitution et de réparation manifeste la prise en compte par ces juges de la résistance de l’Union à l’application du droit mondial du commerce. Cette solution est justifiée par les possibilités de négociations et de compensations qui assouplissent l’intensité normative des accords de l’OMC. Elle a permis le maintien ou l’élaboration de politiques européennes spécifiques. Dans ces conditions, le degré de résistance de l’Union à la mondialisation du droit dépend essentiellement de la volonté de ses organes politiques.
L’ouverture de l’invocabilité par incorporation et de l’invocabilité d’interprétation conforme révèle un rôle plus important des juges dans la participation de l’Union à la mondialisation du droit. Elle s’explique néanmoins par les nombreuses mesures de transposition et d’exécution des accords en droit de l’Union. D’une part, les juges de l’Union respectent l’appréciation politique de l’intérêt de l’Union en encadrant l’ouverture de l’invocabilité par incorporation. D’autre part, ils modifient exceptionnellement le contenu des droits nationaux et de l’Union en les rapprochant du droit mondial du commerce avec l’interprétation conforme. En dernière analyse, l’ouverture de l’invocabilité est toutefois plus souvent la conséquence de la convergence existant entre certains des objectifs ou normes de l’Union et ceux des accords de l’OMC qu’un outil utilisé pour équilibrer la mondialisation du droit et ordonner le pluralisme juridique.