L’interdiction de l’esclavage constitue une norme fondamentale du droit international contemporain : figurant dans les principaux instruments de protection des droits de l’homme, elle est souvent citée comme une obligation dont le respect intéresse la communauté internationale dans son ensemble.
La présente étude s’intéresse aux origines de cette interdiction, telle que reflétée par la pratique étatique et discutée par la doctrine, avant l’émergence d’une garantie internationale des droits de l’individu à la suite de la Seconde Guerre mondiale.
Elle rappelle qu’au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle, l’affirmation d’un droit international antiesclavagiste était étroitement liée à l’idée, à la fois généreuse et autoritaire, de « civilisation ». Comme le montre la présente étude, le contenu matériel de ce droit dépendait, en particulier, de la capacité des États occidentaux de se définir eux-mêmes, par rapport au reste du monde, comme des « nations civilisées ».
Aujourd’hui largement discréditée et dépourvue de valeur normative, la notion de « nations civilisées » dut en effet sa première apparition en droit international positif à la « Déclaration des Puissances sur l’abolition de la traite des Nègres » du 8 février 1815. Adoptée dans le cadre du Congrès de Vienne, celle-ci fut également le premier instrument international proclamant une obligation générale de mettre fin à certaines pratiques esclavagistes – en l’occurrence, à la déportation de captifs africains comme esclaves.
Or, bien que le principe antiesclavagiste proclamé en 1815 fût progressivement traduit en normes internationales et internes de plus en plus exigeantes, les modalités de sa mise en œuvre, tout comme sa portée exacte, ne cessèrent de faire l’objet de contestations et d’interrogations tout au long de la période considérée. Une question récurrente fut ainsi de savoir si une « nation civilisée » ayant formellement aboli l’institution esclavagiste pouvait être accusée d’avoir violé le droit international antiesclavagiste en tolérant ou en imposant certaines formes de travail forcé. Ce n’est finalement qu’en 1945, au terme d’une remise en cause sans précédent de l’idée même de « civilisation », que les signataires du Statut de Nuremberg adoptèrent le premier instrument conventionnel y apportant une réponse positive.