« Le franco-allemand » est omniprésent dans nos sociétés européennes, à tel point qu’il semble aller de soi. Dans une perspective inspirée par les Mythologies barthésiennes, la recherche présentée dans cet ouvrage propose d’interroger le rôle joué dans ce processus de naturalisation par une catégorie médiatique qui, elle non plus ne pose pas question, la presse « de référence ». Cette double naturalisation est analysée en diachronie (1949-2013) sur la base d’une comparaison entre deux titres qui occupent cette position de « référence » dans leurs pays respectifs, Le Monde et la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Il s’agit de comprendre comment, lorsque la presse entend s’institutionnaliser, l’information revêt une valeur idéologique qui va à l’encontre des idéaux d’objectivité et de neutralité qu’elle prône par ailleurs. Pour appréhender ce travail idéologique, la recherche procède à la déconstruction d’un paradigme d’actualité, nommé « caractère franco-allemand » en référence à La Bruyère. La perspective adoptée pour ce faire est une approche poétique de la communication et, plus spécifiquement, une sémiologie du journal. Le discours du support périodique et ses « effets-idéologie » sont tour à tour abordés sous l’angle du narratif, du discursif et de l’iconique. Cette thèse montre ainsi comment le journal agit politiquement à travers ses récits, ses mots et ses images, et, dans ce sens, joue un rôle déterminant dans la liaison des collectifs nationaux et européens.
Juliette Charbonneaux : Docteure en Sciences de l’information et de la communication de l’Université Paris-Sorbonne, maître de conférences au CELSA et membre du laboratoire GRIPIC