Quoi de plus naturel, dans l’esprit du juriste, que l’idée de résolution juridictionnelle ? Appliquée aux querelles susceptibles de surgir entre les organes constitutionnels, du reste, cette possibilité est, en France, loin d’être évidente. À la différence de la plupart de ses homologues voisins, en effet, le Conseil constitutionnel n’est investi d’aucune compétence générale pour trancher les conflits entre organes constitutionnels. Pareille extension de l’office du juge constitutionnel n’est pourtant pas sans recéler d’importantes potentialités.
L’étude comparée de la voie de droit spécialement prévue à cet effet en Allemagne, en Italie et en Espagne, mise en regard de la situation institutionnelle française, en témoigne sans équivoque. En permettant, par la garantie des prérogatives des organes constitutionnels, le rétablissement des équilibres institutionnels passablement menacés, la procédure de résolution des conflits entre organes constitutionnels apparaît comme un formidable vecteur de protection des droits de l’opposition. Par ailleurs, et surtout, en offrant la possibilité de soumettre à un juge un grand nombre d’actes pour l’heure injusticiables en France, cette procédure se présente comme apte à recouvrir le plus clair des zones d’activité des pouvoirs publics encore franches de contrôle de constitutionnalité. Finalement, en autorisant la défense de normes constitutionnelles dont les méconnaissances sont actuellement exemptes de sanction juridictionnelle, c’est au renforcement de la normativité de la Constitution que la procédure de résolution des litiges entre organes constitutionnels participe.
À l’origine souvent perçue comme une ingérence indue dans un domaine où la politique devait rester souveraine, cette voie de droit apparaît désormais comme le moyen le plus propice à l’achèvement de l’État de droit et, partant, comme un attribut essentiel du pouvoir de juridiction constitutionnelle. Car promouvoir l’État de droit, ce n’est pas seulement, comme l’imaginait probablement le Constituant français de 1958, contrôler le Parlement…