Faire des corps avec les images

Volume 121
45 €
14 octobre 2021
Francesca Martinez Tagliavia
978-2-37032-088-9

À la fin des années 2000, l’image de la velina – soubrette hyper-érotisée de la télévision italienne – endosse dans les discours de la critique anti-berlusconienne le rôle de symbole de la marchandisation des corps féminins et de la subalternité féminine dans l’espace public, qui caractérise le ventennio berlusconien. Puisant ses outils dans l’épistémologie des Visual Studies anglo-saxons et dans la culture visuelle italienne contemporaine, ce livre vise d’abord à analyser les manières dont les images font le corps de la velina. La généalogie de la velina rassemble des images emblématiques et opposées de la féminité comme les Jeunes Italiennes fascistes, les Tiller Girls américaines et les héroïnes du cinéma softcore italien des années soixante-dix, pour se cristalliser ensuite dans cette image, au moment où elle fait irruption dans l’émission télévisuelle Striscia la notizia (Mediaset, groupe Berlusconi) en 1989. Par l’analyse d’une étude de cas spécifique – les pratiques et les micropolitiques quotidiennes de l’image de Giulia Calcaterra, velina de l’édition 2012-2013 de Striscia la notizia – est ensuite déconstruit le point crucial des argumentaires excluant les veline du savoir et de la politique. Selon la critique mainstream, la velina serait un sujet aliéné, ornement passif du Spectacle. À partir de sa propre parole au sujet de son action, elle émerge au contraire comme un sujet autoréflexif et intelligent, et comme une actrice privilégiée de l’économie esthétique et culturelle, sur la base de laquelle Silvio Berlusconi a construit son consensus politique à partir de la fin des années soixante-dix. Le livre se concentre ensuite sur le rapport entre l’image de la velina et l’image de Berlusconi, par l’analyse d’images qui connectent la velina au « chef » Berlusconi. Le « charisme » de Berlusconi est visuellement construit par Berlusconi lui-même, par les intermédiaires culturels de son parti, la presse anti-berlusconienne, le cinéma et d’autres productions visuelles, en connexion avec l’image de la velina. On retrace différents moments-clés de l’exercice d’une propagande politique fondée sur des politiques et des pratiques visuelles qui s’entrelacent à des pratiques discursives et à d’autres types de pratiques politiques, scientifiques, techniques et sociales visant à susciter dans l’électorat un amour de la domination, à travers une domination de l’amour. Si l’image de la velina contribue activement au « charisme » de Berlusconi, c’est parce qu’elle attribue au chef le pouvoir érotique nécessaire pour que celui-ci suscite dans le peuple un désir d’être dominé.

Francesca MARTINEZ TAGLIAVIA Docteure de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales

Ouvrages de la même collection