Cette thèse retrace les parcours croisés de Lucien Vogel (1886-1954) et de Michel de Brunhoff (1892-1958), deux éditeurs de presse nés à la fin du XIXe siècle, et oubliés dans l’historiographie. Après La Gazette du bon ton en 1912, les deux beaux-frères lancent Vogue français et le Jardin des modes en 1920. Ces trois revues, qui accordent une place majeure à l’illustration, contribuent à moderniser radicalement la presse féminine. Le parcours éditorial de Vogel et de Brunhoff, centré autour de la presse féminine, la presse d’art (Feuillets d’Art, Arts et métiers graphiques) et la mode, est semblable jusqu’à la fin des années 1920 avant de diverger en 1928 lorsque Lucien Vogel fonde le magazine photographique Vu. À partir de cette période, tandis que Brunhoff reste attaché à la réalisation de magazines de mode, Vogel s’engage sur la voie de la politique, défendant avec Vu, puis avec les journaux Le Petit Journal, Marianne et Messidor dont il prend la charge dès 1937, des idées de gauche et un antifascisme prononcés. Afin d’appréhender l’itinéraire général de Lucien Vogel et de Michel de Brunhoff tout en en saisissant les singularités – leur rôle dans le renouvellement de la presse féminine et l’avènement du format magazine, leur intérêt plus général pour les questions techniques liées à l’illustration, ainsi que les choix « politiques » opérés par Vogel durant les années 1930 -, cette thèse a entrepris une étude chronologique et comparée. En grande partie biographique, afin de mettre en lumière la personnalité et le parcours de Vogel et de Brunhoff, de leurs débuts professionnels à leur fin de carrière, cette réflexion se veut aussi une contribution plus générale à l’histoire sociale et culturelle de la première moitié du XXe siècle, et principalement à l’histoire de la presse illustrée et de la presse féminine dans laquelle ces éditeurs ont laissé l’image d’innovateurs mais aussi d’éditeurs esthètes et d’animateurs. Cette thèse appréhende également sous un angle nouveau l’histoire de la mode en s’intéressant au rôle de médiateur joué par les éditeurs auprès des lecteurs, ainsi que l’histoire de la photographie du début du XXe siècle du point de vue technique, artistique et politique. Parallèlement, ce travail éclaire l’histoire politique de l’entre-deux-guerres en s’intéressant au phénomène de médiatisation et au rôle de « passeur » intellectuel et culturel joué par les hommes de presse. Sophie KURKDJIAN. Docteur en histoire de l’Université Paris I et ATER, est chercheur invitée à la BNF et chercheur associée à l’IHTP-CNRS. Lauréate du Prix de thèses de l’Institut Universitaire Varenne