La bonne foi, notion polymorphe teintée de morale et issue du droit commun, a vocation à intervenir dans tous les droits spéciaux. À ce titre, elle trouve naturellement à s’appliquer en droit d’auteur, même si le silence initial du législateur et du juge pourrait laisser à penser que ce droit spécial ignore la notion. La présente étude propose donc une analyse des manifestations de la bonne foi au sein du droit d’auteur, manifestations qui peuvent prendre deux formes.
D’une part, ces manifestations peuvent être propres au droit d’auteur : la notion intervient ainsi dans les raisonnements relatifs à la détermination du monopole mais également dans les règles applicables à la sanction des atteintes portées à ce droit exclusif. L’utilisation de la notion procède alors d’un choix du juge ou, plus rarement, du législateur et répond à un objectif interne au droit spécial, objectif qui sera bien souvent celui de la défense de l’auteur ou, plus largement, du titulaire de droits.
D’autre part, les manifestations de la bonne foi peuvent être importées du droit commun. Si le lieu d’intervention privilégié de la notion en telle hypothèse est le contrat d’auteur, la bonne foi peut aussi s’épanouir au-delà de ce contrat. Le recours à la notion est, dans ce cas, imposé au juge et au législateur spéciaux – lesquels doivent naturellement tenir compte de la norme générale dès lors que celle-ci n’est pas en contradiction avec le texte spécial – et l’objectif poursuivi est alors externe au droit d’auteur : il peut ainsi être question de protéger l’équilibre des relations ou encore de garantir la sécurité juridique.
Plurielles, les interventions de la bonne foi en droit d’auteur invitent ainsi à s’interroger sur les interférences entre droit commun et droit spécial.
Julie GROFFE : Maître de conférences à la faculté Jean Monnet (Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay) et secrétaire générale du Cerdi (Centre d’Études et de Recherche en Droit de l’Immatériel)